1936 Bugatti Type 57 Berline
Coachwork by Vanvooren
Chassis no. 57414
Engine no. 212

L'une des 5 Bugatti 57 berlines Vanvooren restantes
1936 Bugatti Type 57 Berline
Châssis no. 57414
Moteur no. 212
• Numéros Moteur ; boite ; pont et châssis concordants
• Historique connu
• Restauration conséquente récente
• Titre de circulation suisse

Le Type 57 est introduit au Salon d'octobre 1933 sous la forme d'une berline 4 portes sans montant central, dénommée « Galibier ». Après trois prototypes construits pour cette présentation, 38 voitures de la série sont mises sur route en 1934, puis, l'atelier de carrosserie Bugatti met en sommeil ce type de caisse jusqu'en 1936. En effet, il ne produit qu'une berline, châssis 57292 en 1935, avant de carrosser 13 berlines en 1936. Après une interruption de production en juin 1936, il faut attendre octobre 1938 pour découvrir la troisième série de berlines Galibier, cette fois, plus aérodynamique, et plus légère grâce à l'usage d'aluminium.

En 1935, les clients de l'Usine désireux d'acquérir une berline 4 portes sur châssis Type 57 doivent se tourner vers le carrossier Vanvooren de Courbevoie. Celui-ci propose depuis la fin des années 1920, des berlines sur châssis 3 et 5L, puis des coachs sur châssis 49. Un système de montage sur silentblocs assure un silence et un confort appréciés de ses riches clients. Vanvooren habille une première berline Type 57, châssis 57175, en juin 1934, puis présente au Salon d'octobre, la berline 57230 qui inaugure une petite série de 13 autos jusqu'à fin 1935, avant la réalisation de trois dernières berlines en 1936, les châssis 57380, 57414 et 57418.

De son côté, l'atelier Gangloff de Colmar va produire entre 1936 et 1938, des berlines profilées et exclusives pour un total d'environ 24 exemplaires, dont les premières dites « aérodynamiques », les châssis 57421 et 57445 furent présentées au Salon d'octobre 1936.

Il ne resterait que 5 voitures parmi les quelques 17 berlines Type 57 de Vanvooren, dont 57224 et 57338 retrouvées au sein des réserves du Musée Schlumpf, puis les berlines 57291, 57380 et notre exemplaire, le châssis 57414.

Le châssis 57414 équipé du moteur 212 est mis sur route en avril 1935 avant d'être livré chez Vanvooren pour recevoir sa carrosserie Berline. C'est ensuite le 14 mai 1936 que la voiture terminée est livrée à « Otto Graf ». Déjà immatriculée depuis le 27 février 1936, sous le numéro 6396 HR 1, au nom d'Otto Graf, 5 rue du Château d'Eau à Dôle (adresse de l'usine Graf). Elle est payée 15 000 FF plus la reprise à 30 000 FF de son ancienne voiture, une berline de 1935, châssis 57233.

Otto Graf (1898-1978) est issu d'une famille suisse originaire du Canton de Berne, dont le père Gottlieb (1865-1940), fromager, s'est installé à Pontarlier en 1915. Gottlieb fonde en 1917 avec ses deux fils ainés Gottlieb né en 1888 et Emile né en 1889, une fabrique de fromages au Château Poiset, à Dôle, reprenant la recette du fromage fondu de chez Gerber en Suisse. Otto est né à Corgemont, canton de Berne, le 26 mai 1898. Il reçoit sa carte d'identité d'étranger en 1917. En 1918 est créée, la société Graf Frères et Cie. Les frères Graf sont les premiers à produire en France la « Crème de Gruyère », bientôt suivis par la fromagerie de Leon Bel de Lons le Saunier chez qui Emile Graf avait fait un stage dans la période 1920-1921. Il dira avoir été le père de la Vache qui Rit. La société prend en février 1922 le nom de « S.A des Anciens Etablissements Graf Frères ». Le siège social est au 5 rue du château d'eau. Otto Graf est chef de fabrication et vit à la Villa Bellevue, son frère Emile vit lui à la Villa des Rochers, le business est prospère et Otto peut profiter de ses diverses passions. Il fait courir son cheval Crésus en courses hippiques, remportant notamment le Prix de Londres 1934, mais il se veut aussi mécène dans le domaine du sport, dans le football comme dans le rugby.

Surtout, les frères Graf sont de grands amateurs d'automobile et sont proches de l'usine Bugatti. Emile était lui-même ami d'Ettore Bugatti acheta neuves une 5 litres et deux Type 57. Gottlieb avait un chauffeur pour son Hispano et son Type 49. Otto, lui, acquit tout d'abord un Type 43 d'occasion en 1930, avant d'acquérir neuves : un Type 49 en 1931, un 46S Million Guiet en 1932, un Type 57 en 1935 et enfin sa Berline Vanvooren châssis 57414 en 1936.

L'historien Michel Renaud nous apprend même que la passion d'Otto Graf pour l'automobile le pousse à ouvrir en 1935, un garage nommé « Au Grand Garage », au 3 avenue de la Gare à Dôle, puis fait construire une station-service au 3 bis avenue de Paris.

Otto se voit arrêté le 3 juillet 1944 par la Feldgendarmerie car un réseau de résistance était logé dans une des résidences Graf. Il est déporté en Allemagne via Belfort, convoi du 29 août 1944, matricule 43582, ainsi que son neveu Robert, âgé de 19 ans. Il revient de déportation en février 1945, libéré par les relations de son Frère Emile avec le président de la Confédération Helvétique. Il retourne vivre à Dôle et s'y marie le 27 juillet 1951 avec Marguerite Thurillet. Il décède à Dôle le 2 septembre 1978. L'usine Graf, elle, est vendue au groupe Bel en 1960, connu pour les apéricubes, le Babybel, la Vache qui Rit etc...

Quant à 57414, elle fut vendue par Otto Graf à son retour des camps, un certificat de non-gage est en effet demandé le 20 août 1945 et une vente est réalisée le 9 octobre suivant à un amateur lyonnais qui l'enregistre sous le numéro 4498 PG 3.

La voiture est revendue le 28 janvier 1946 à un entrepreneur alsacien du nom d'Albert Riegel, 2 rue Saglio à Strasbourg. Elle est immatriculée 3752 NV 5. Albert Riegel était connu pour son entreprise d'éléments en béton pour les constructions, Zavagno-Riegel et Cie.

57414 est par la suite cédée à l'hôtelier strasbourgeois Henri Meurdra, lui-même connu pour avoir possédé 11 Bugatti entre 1931 et 1955. Bien qu'aucune cession ne fût enregistrée entre Riegel et Meurdra, nous retrouvons 57414 en photo devant l'hôtel de ce dernier : « Henri ».

Le 23 juin 1954, le Haut Commandement du 48ème Bataillon, section médicale, de l'US Army, autorise John Bayard Britton (1925-1995) à acquérir la Bugatti auprès de Meurdra, avec certificat de vente de Riegel à Meurdra. L'autorisation d'importation dans la zone militaire allemande est signée le 25 juin et la vente officielle a lieu le 30 juin entre Riegel et le lieutenant Britton, domicilié Bruchweg 10-B 2 à Mainz am Rhein. Le certificat d'immatriculation dans la zone Europe US date du 18 mars 1955. Nous avons trace d'une immatriculation aux USA datant du 27 avril 1959 au nom du Dr. Britton à Charlottesville, en Virginie. La voiture fut également citée dans le Registre des Bugatti 1962 publié par H.G. Conway, décrite comme « Berline sans montant central, achetée en 1954 à son propriétaire strasbourgeois » et indiquée être entre les mains du Dr. John Bayard Britton, domicilié 34 North 14th Street à Ferdinanda Beach en Floride.

Britton conserve la voiture pendant plus de quarante ans, jusqu'à son décès tragique en 1994. Médecin à l'écoute des femmes dans la précarité, pratiquant des avortements légaux au sein de sa clinique, il portait sur lui un gilet par balle, ainsi qu'un révolver 357 Magnum depuis l'assassinat de son prédécesseur. Cela ne suffit pas pour Britton qui est assassiné, ainsi que son garde du corps, par Paul Jennings Hill, le 29 juillet 1994.

En 1995, Jim Stranberg accompagne les enfants Britton pour céder la Bugatti aux époux Laverne et Marlène Johnson, 1000 Three Miles Road, Grosse Point Park, Missouri.

La Bugatti est alors restaurée et peinte en deux tons de marron et de vert. Elle est ensuite présentée à divers concours d'élégance tels que celui de Meadowbrook en 1999 ou de Cranbrook en 2005. Au décès de Laverne Johnson en 2013, son épouse Marlène cède 57414 au négociant Jack Braam-Ruben.

En 2017, 57414 est acquise par son propriétaire actuel, elle est alors immatriculée en Suisse, le 17 mars de la même année. Ce dernier entreprit une importante restauration de la voiture qui se présente dorénavant sous des teintes noir et blanc.

Elle possède aujourd'hui la totalité de ses pièces mécaniques originales. La plaque châssis gravée 57414 19CV est l'originale. L'essieu avant, le moteur, la boîte de vitesse et le pont arrière portent tous le numéro d'origine 212. Le moteur est suspendu sur silentblocs. Le tableau de bord est du modèle 1936 avec toute l'instrumentation dans un seul compteur central. La voiture dispose des freins à câbles et des amortisseurs Houdailler optionnels à l'avant et Repusseau à l'arrière. 57414 est également équipée d'un toit ouvrant et de roues chromées, également en options à l'usine. Le chassis bien celui de la voiture à moteur 212.

La carrosserie ne semble pas avoir subi de modifications, ses lignes sont similaires à celles de 57380, autre berline Vanvooren de 1936 ayant survécu. La carrosserie repeinte en deux tons était à l'origine monochrome noir. Les boiseries portent le numéro 2682, ce qui semble cohérent dans la série d'assemblage des réalisations Vanvooren. La plaque signature du carrossier de Courbevoie se trouve au bas des deux ailes avant.

Les berlines sur châssis Type 57 sont rares, quelque-soit le carrossier, elles ont malheureusement disparues pour une grande partie.

Cet exemplaire immatriculé en Suisse sera vendu avec son titre de circulation, différentes images d'époque et son rapport d'historique par Pierre-Yves Laugier. En vue de la vente, le vendeur a réalisé une vérification des éléments mécaniques tels que les freins, les tubulures d'essences ou encore les suspensions.

Préalamblement à la vente, le vendeur fit une révision générale des composantes mécaniques de la voiture, incluant une vérification des freins, des tubulures d'essence et de la suspension.

Bonhams Cars remercie Pierre-Yves Laugier pour sa contribution au catalogue